Le Conseil constitutionnel s’est prononcé le 18 février 2022 sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) renvoyée par le Conseil d’Etat dans le cadre de recours pour excès de pouvoir dirigés contre quatre décrets du 7 juin 2021 prolongeant quatre concessions minières de métaux précieux, de minerais et de pierres précieuses situées en Guyane.
Cette décision porte sur l’article L. 144-4 du code minier dont la première phrase prévoit que les concessions minières anciennement perpétuelles expirent le 31 décembre 2018, mais dont la deuxième phrase précise qu’elles sont prolongeables de droit dans les conditions prévues par le code de l’environnement, c’est-à-dire par périodes de vingt-cinq ans maximum. C’est la contestation de cette prolongation de droit qui a prospéré devant le Conseil constitutionnel au regard des articles 1 et 3 de la Charte de l’environnement.
Historique
Les premières concessions minières accordaient à leurs bénéficiaires une propriété perpétuelle sur la mine en application de l’article 7 de la loi du 21 avril 1810 concernant les mines, les minières et les carrières. Le législateur a mis fin à ce principe s’agissant des concessions accordées après l’entrée en vigueur de la loi du 9 septembre 1919 modifiant celle du 21 avril 1810. Les anciennes concessions sont toutefois demeurées en vigueur, la loi de 1919 n’étant pas rétroactive.
C’est finalement l’article 7 de la loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 qui a prévu que ces concessions à la durée illimitée expireraient le 31 décembre 2018 en laissant toutefois la possibilité d’une prolongation de droit.
Une disposition auparavant inconstitutionnelle
Le Conseil constitutionnel considère que « la décision de prolongation d’une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers. Au regard de son objet et de ses effets, elle est ainsi susceptible de porter atteinte à l’environnement ».
Or, la prolongation des anciennes concessions perpétuelles était de droit, sous réserve du maintien de leur exploitation au 31 décembre 2018 et quand bien même des prescriptions pouvaient être adoptées dans le cadre des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession.
Le Conseil considère que cette prolongation de droit portait atteinte aux articles 1 et 3 de la Charte de l’environnement. Le premier prévoit le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Le second impose au législateur de prendre les mesures pour prévenir les atteintes susceptibles d’être portées à l’environnement.
Dès lors qu’elle ne permettait pas à l’autorité administrative de refuser la prolongation de ces concessions pour ces motifs, la prolongation de droit était donc inconstitutionnelle.
Une disposition désormais constitutionnelle sous réserve
La réforme du code minier, entamée par l’adoption de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, a mis fin à l’inconstitutionnalité constatée.
Depuis l’entrée en vigueur de cette loi, l’article L. 114-3 du code minier prévoit en effet à son paragraphe II, que la prolongation d’une concession peut être refusée en cas de doute sérieux sur la possibilité d’exploiter le gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts environnementaux mentionnés à l’article L. 161-1 du même code.
Le Conseil constitutionnel relève que cette disposition, qui s’applique aux concessions en cours, a mis fin à l’inconstitutionnalité de la deuxième phrase de l’article L. 144-4 du code minier, sous la réserve toutefois que la prolongation de droit des anciennes concessions perpétuelles ne puisse faire obstacle à un refus fondé sur ces motifs environnementaux.
Le Conseil précise que sa décision est applicable aux instances introduites à sa date d’adoption et non jugées définitivement.
Retour sur la réforme du code minier
Entamée par la loi climat et résilience du 22 août 2021, cette réforme doit être complétée par une ordonnance dans un délai de 15 mois suivant la publication de la loi, ainsi que par des décrets d’application.
A ce stade, la modernisation du code minier transparaît par une meilleure prise en compte des intérêts environnementaux, que ce soit par la recherche de la responsabilité des sociétés-mères sur trois niveaux en cas de défaillance de l’exploitant, la consultation du public préalablement à l’octroi d’un permis exclusif de recherche ou encore la réalisation d’une analyse environnementale, économique et sociale dans le dossier de demande du même permis ou d’une concession.
En outre, les sanctions pénales sont renforcées tandis que les recours sont soumis à un contentieux de pleine juridiction permettant au juge administratif de réformer l’acte attaqué.
Simultanément, la volonté de relocaliser les activités extractives en France apparaît clairement par un meilleur pilotage national des activités extractives, dont les modalités doivent encore être précisées.
Les modifications déjà introduites par la loi visent donc à concilier la préservation de l’environnement et de la santé publique avec un retour de l’activité minière en France dans le but de sécuriser l’approvisionnement du pays, notamment dans le cadre de la transition énergétique et de la décarbonation de l’industrie.
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