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Infrastructures collectives de recharge relevant du réseau public de distribution

Le cadre réglementaire des infrastructures collectives de recharge relevant du réseau public de distribution (RPD) a été adopté le 21 septembre 2022. Il ne concerne que les immeubles collectifs à usage principal d’habitation.

Les articles L. 353-12 et L. 353-13 du code de l’énergie (i) permettent aux gestionnaires de réseaux publics de distribution (GRD) de créer et de gérer des infrastructures collectives de recharge afin d’accélérer leur déploiement et (ii) réglementent strictement les conventions conclues entre un opérateur d’infrastructure de recharge de véhicules électriques (IRVE) et un propriétaire ou un syndicat de copropriétaires pour l’installation d’infrastructures collectives.

Une partie du cadre réglementaire des infrastructures collectives résulte du décret n° 2022-959 du 29 juin 2022, commenté dans un précédent article, qui précise le contenu des conventions conclues par des opérateurs d’IRVE.

L’autre volet du cadre réglementaire est entré en vigueur le 24 septembre, à l’issue de la publication du décret n° 2022-1249 du 21 septembre 2022 relatif au déploiement d’infrastructures collectives de recharge relevant du réseau public de distribution dans les immeubles collectifs. C’est l’objet du présent article.

Le financement des infrastructures collectives relevant du réseau public d’électricité.

La création de l’infrastructure collective est supportée par les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). Deux éléments de cette prise en charge doivent cependant être distingués.

En premier lieu, l’infrastructure collective bénéficie de la réfaction tarifaire mentionnée au 3° de l’article L. 341-2 du code de l’énergie. Il s’agit dont d’une prise en charge directe par le TURPE. Les travaux annexes rendus nécessaires par le déploiement de l’infrastructure collective en sont en revanche exclus.

En second lieu, la portion du coût de la création de l’infrastructure non couverte par la réfaction tarifaire, ainsi éventuellement que les travaux annexes, sont initialement pris en charge par le GRD. Il ne s’agit toutefois que d’un préfinancement puisque chaque utilisateur de l’infrastructure est redevable d’une double contribution pour son raccordement : la première pour les branchements individuels et la seconde pour l’infrastructure collective. Cette dernière contribution rappelle la quote-part versée par les producteurs d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, au titre des ouvrages mutualisés dans le cadre de schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables.

La contribution au titre de l’infrastructure collective est fixée en fonction de son coût, de la puissance de raccordement, du nombre d’emplacements et de l’évaluation du taux moyen d’équipement à long terme. Le ministre en charge de l’énergie fixe, après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), un seuil et un plafond dépendant de la puissance du branchement individuel. Le plafond n’est prévu qu’en cas de puissance de branchement individuel inférieure ou égale à 9 kilovoltampères, qui correspond à une puissance de charge faible pour un véhicule électrique.

L’instauration d’un plafond implique nécessairement que la prise en charge par le GRD des coûts qui ne sont pas couverts par la réfaction tarifaire n’est plus un simple préfinancement. C’est le TURPE qui supportera la différence entre coût total et somme des contributions plafonnées. Il en va de même des coûts échoués.

Le contenu de la convention conclue par le GRD.

La convention est conclue entre le GRD et le propriétaire de l’immeuble ou le syndicat de copropriétaires, à la suite de la demande de ce propriétaire ou du syndicat, d’un locataire ou même d’un opérateur d’IRVE. Elle doit correspondre au contenu fixé par le décret du 24 septembre.

La convention précise notamment le périmètre de desserte de l’infrastructure collective, la puissance des branchements individuels, la puissance totale de raccordement de l’infrastructure (qui ne correspond pas nécessairement à la somme des branchements individuels), le détail des travaux de l’infrastructure collective et des travaux annexes, les travaux complémentaires qui ne peuvent pas être réalisés par le GRD, ainsi que le détail des coûts et les règles de calcul des contributions – à la fois la contribution individuelle et la quote-part, celle-ci pouvant faire l’objet d’une actualisation annuelle dont la méthode doit être approuvée par la CRE.

Plus surprenant, le GRD doit inclure dans la convention, « A des fins de comparabilité, des indications sur le coût d’installation d’un point de recharge en aval d’un branchement individuel et les coûts récurrents associés à un contrat de fourniture d’électricité destiné à l’alimentation d’un ou plusieurs points de recharge. » Un exercice sans doute inconfortable pour une entité régulée soumise à une obligation de non-discrimination à l’égard de ses utilisateurs.

On relèvera par ailleurs que le délai de réalisation du raccordement ne saurait excéder 6 mois – mais la convention peut prévoir un délai inférieur – sous réserve de diverses causes exonératoires assez largement définies par le décret. Une pénalité de retard hebdomadaire s’applique, égale à 0,55 % du coût total HT de l’infrastructure collective.

Enfin, la convention est prévue pour une durée de 20 ans mais elle expire par anticipation si des travaux ne relevant pas du périmètre de l’infrastructure collective s’avèrent nécessaires pour la réalisation de nouveaux branchements.

Le décret ne précise pas ce qu’il advient de l’infrastructure collective à l’expiration de la convention, ni les modalités de réalisation de nouveaux branchements individuels à son échéance.

La consistance du réseau public.

Un point de ce dispositif interroge : la distinction des infrastructures collectives de recharge « relevant du réseau public de distribution » de celles n’en relevant pas.

Le cadre européen, qui pose un double critère fonctionnel et matériel, définit l’activité de distribution comme « le transport [au sens d’acheminement] d’électricité sur des réseaux de distribution à haute, à moyenne et à basse tension aux fins de fourniture à des clients, mais ne comprenant pas la fourniture ». La Cour de justice de l’Union européenne, qui ne voit ici qu’un critère matériel, en a néanmoins déduit qu’un réseau de distribution « est un réseau servant à acheminer de l’électricité à haute, à moyenne ou à basse tension » (CJUE, 28 novembre 2018, C‑262/17, C‑263/17 et C‑273/17, Solvay Chimica Italia SpA e. a., points 29 et 30).

L’article L. 322-7 du code de l’énergie renvoie au code général des collectivités territoriales la définition de la consistance du RPD. Le troisième alinéa du paragraphe IV de l’article L. 2224-31 de code définit le RPD – sauf exceptions listées à cet alinéa – comme « les ouvrages de tension inférieure à 50 kV situés sur le territoire de l’autorité organisatrice de la distribution d’électricité ».

Une « infrastructure collective » de tension inférieure à 50 kV desservant des points de recharge devrait donc relever du RPD. Deux dispositions législatives contredisent toutefois ce principe.

D’une part, l’article L. 334-4 prévoit que les opérateurs d’IRVE n’exercent pas une activité d’achat pour revente d’électricité mais une prestation de services. Il en résulte que ces opérateurs sont réputés consommateurs finals de l’énergie et, par fiction juridique, que leurs réseaux n’acheminent pas d’électricité à des clients finals.

D’autre part, l’article L. 353-8 de ce code prévoit qu’une IRVE peut être raccordée indirectement au RPD. Ainsi, quand bien même la notion d’« infrastructure collective de recharge » renverrait à une structure distincte de l’« infrastructure de recharge », force est de constater que l’infrastructure collective ne relève pas nécessairement du RPD.

Finalement, si le législateur a introduit deux régimes, selon que l’infrastructure collective de recharge relève du RPD ou n’en relève pas, la distinction entre ces infrastructures ne s’effectue pas selon un critère objectif, qu’il soit matériel ou fonctionnel.

Ainsi, l’intégration d’une infrastructure collective au RPD dépend du choix du propriétaire de l’immeuble ou du syndicat de copropriétaires, d’en confier la création et la gestion à un GRD ou à un opérateur d’IRVE. Cette consistance variable du RPD rappelle la saga des colonnes montantes dont les GRD et les syndicats de copropriétaires ont sans doute conservé des souvenirs douloureux.

Enfin, la concurrence entre GRD et opérateurs d’IRVE, instaurée par ces dispositions, amène à s’interroger sur les conditions de l’interventionnisme des GRD.

L’interventionnisme des GRD en matière d’infrastructures de charge.

L’article 33(2) de la directive 2019/944 du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité interdit aux GRD de posséder, développer, gérer ou exploiter des « points de recharge ». Par dérogation, l’article 33(3) admet l’intervention de ces opérateurs régulés en cas de carence de l’initiative privée, sous trois conditions cumulatives qui ne sont pas satisfaites par le dispositif que nous venons de commenter.

Pour autant, il n’y a apparemment pas incompatibilité avec la directive, dans la mesure où un« point de recharge » y est défini comme « une interface qui permet de recharger un véhicule électrique à la fois ou d’échanger la batterie d’un véhicule électrique à la fois ».

L’article L. 353-12 du code de l’énergie permet quant à lui aux propriétaires ou aux syndicats de copropriétaires d’immeubles collectifs à usage d’habitation de faire appel au GRD compétent pour installer « une infrastructure collective relevant du réseau public d’électricité ». Celle-ci est définie dans le décret commenté par « la partie collective des ouvrages de raccordement, à l’exclusion des ouvrages de branchement individuel ».

Ces ouvrages de branchement individuel sont soit des points de recharge, soit des infrastructures de recharge exploitées par des opérateurs d’IRVE, desservant plusieurs points de recharge. Le texte ne permet donc pas aux GRD de posséder ou d’exploiter des points de recharge.

Pour autant, des opérateurs privés – ou publics, au demeurant – n’avaient pas attendu l’intervention du législateur pour proposer la création et la gestion d’infrastructures collectives dans les immeubles collectifs à usage principal d’habitation. Le législateur a d’ailleurs pris soin de réguler les conventions conclues par ces opérateurs (voir notre précédent article). Ce nouveau domaine d’intervention des GRD s’exerce donc dans un secteur concurrentiel, ce que la CRE avait relevé dans son avis n° 2022-147 du 19 mai 2022, en indiquant que le dispositif conduisait les GRD à :

« intervenir dans un domaine concurrentiel, via l’extension du réseau public de distribution et avec un financement garanti par le TURPE. Cette exception est justifiée par l’intérêt public qui s’attache au bon développement des infrastructures de recharge des véhicules électriques dans l’habitat collectif, particulièrement dans les cas où l’offre privée est inexistante ou insuffisamment présente. Les GRD devront veiller à n’exercer aucune discrimination selon que l’infrastructure intérieure à un immeuble collectif est développée par le GRD ou par une entreprise tierce. »

Cette intervention dans un domaine concurrentiel est toutefois atypique, car prévue par la loi et prévalant dès lors que les exigences habituelles de la CRE en matière de diversification des activités des gestionnaires de réseaux (rapport 2017-2018 sur le respect des codes de bonne conduite et l’indépendance des gestionnaires de réseaux d’électricité et de gaz naturel) :

« (i) demeurer strictement accessoire à son activité de gestionnaire de réseaux ;
(ii) prévenir tout risque de subventionnement croisé ;
(iii) ne pas être financée par les tarifs d’utilisation des réseaux ;
(iv) garantir une absence de confusion d’image entre les activités régulées et les activités concurrentielles. »

Le caractère accessoire sera probablement satisfait. En revanche, on a vu que le TURPE préfinancera les ouvrages et supportera parfois leur coût au-delà même de la réfaction tarifaire, tandis que la confusion d’image sera prégnante si c’est le GRD – et non une filiale – qui crée et gère ces ouvrages.

Le conditionnement du préfinancement des infrastructures par le GRD à la sollicitation préalable d’un devis vise sans doute à prévenir le risque d’atteinte à la concurrence en caractérisant une carence de l’initiative privée. On peut se demander si cette garantie est suffisante, alors que le GRD peut être sollicité quand bien même un devis a été obtenu et quelles que soient les conditions techniques et financières proposées par l’opérateur qui a répondu.

Dans ces conditions, la demande de la CRE de veiller à l’absence de discrimination semble surtout concerner les modalités de mise en œuvre de la solution de raccordement de l’infrastructure collective au réseau public. Notamment, le coût et les délais de raccordement ne devront pas diverger selon que c’est le GRD ou un opérateur d’IRVE qui crée et gère l’infrastructure collective.

Espérons que la complexité engendrée par ce dispositif, qui mêle activités concurrentielles et régulation, conduise au moins à un développement rapide et efficace d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques.

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