La Commission européenne facilite la reconnaissance du caractère renouvelable de l’hydrogène produit à partir d’électricité issue d’un réseau bas-carbone, en permettant de déroger au critère d’additionnalité de la production renouvelable.
Mon précédent article détaille les péripéties qui ont conduit à l’adoption d’une nouvelle mouture du règlement d’exécution, la version soumise à consultation en mai 2022 n’étant finalement jamais entrée en vigueur.
Quatre principales modifications sont identifiables par rapport au texte intermédiaire qui avait fuité en décembre 2022 :
Concrètement, sur le dernier point, cela signifie que l’hydrogène fabriqué par un exploitant qui a sécurisé son approvisionnement par de l’électricité produite à partir de sources renouvelables en application d’un contrat d’achat d’électricité (de type CPPA ou bien utility/merchant PPA via un fournisseur), n’aura pas à s’assurer que la centrale électrique est nouvelle.
Deux Etats membres ont atteint ce seuil de réseau bas carbone ces dernières années : la Suède et la France. L’intensité carbone de la production électrique française aurait toutefois dépassé ce niveau en 2022 en raison de la faible disponibilité des parcs nucléaire et hydraulique, tandis que la faible part du solaire et de l’éolien en France n’a pas permis de compenser ce déficit. Il conviendra de suivre le bilan électrique de RTE pour vérifier cela.
A titre de comparaison, l’intensité carbone du mix électrique français était de 36 gCO2/kWh en 2021 d’après RTE qui calcule les émissions directes. Mais l’intensité carbone du mix français double presque si on prend en compte l’ensemble du cycle de vie des centrales électriques : l’Agence européenne de l’environnement mesure l’intensité carbone du mix électrique français à 60 gCO2/kWh en 2020 et 67 gCO2/kWh en 2021. Selon l’annexe du règlement d’exécution, qui a fuité dans la presse, la Commission européenne aurait retenu une intensité carbone de la production électrique française de 19,6 gCO2eq/MJ soit 70,56 gCO2/kWh en 2020 en se fondant sur les chiffres du Centre commun de recherche (laboratoire de recherche scientifique et technique de l’UE).
La Commission européenne a ainsi annoncé qu’elle adopterait d’ici fin 2024 un règlement d’exécution qui définirait les modalités de calcul de l’intensité carbone de la production électrique sur l’ensemble de son cycle de vie, selon le type d’installation de production.
Une plus haute disponibilité et un développement important des énergies bas carbone seront en tout cas nécessaires les prochaines années en France pour revenir à un plus faible niveau d’intensité carbone de la production électrique. Cela d’autant plus que la consommation est attendue à la hausse les prochaines décennies, en raison de la substitution de l’électrique aux fossiles, quand bien même d’importants efforts de sobriété énergétique seraient mis en place.
En synthèse, il en résulte les méthodes suivantes permettant de justifier la production d’hydrogène renouvelable :
Ce règlement d’exécution, ainsi que celui relatif au niveau d’émissions de CO2 évité par les carburants renouvelables, sont soumis à l’approbation du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne, qui doit être donné dans un délai de deux mois éventuellement prolongé de la même durée.
Cette nouvelle version résulte d’échanges entre Commission, Conseil de l’Union et Parlement européen en parallèle du trilogue sur le paquet gazier présenté en décembre 2021. Il semble néanmoins que ce texte ne reflète pas un consensus et des surprises pourraient se produire.
On ne peut pas non plus exclure que l’opposition de certains Etats membres à la prise en compte de l’hydrogène bas carbone prenne la voie juridictionnelle. Pour mémoire, l’Autriche a introduit un recours en annulation contre le règlement d’exécution relatif à la taxonomie européenne pour le climat, au motif qu’il inclut le nucléaire et le gaz naturel en tant qu’énergies de transition.
Il est par ailleurs probable que les discussions continuent sur le paquet gazier, concernant la reconnaissance de l’hydrogène bas carbone. En effet, si le règlement d’exécution de la Commission facilite la qualification de l’hydrogène renouvelable lorsque sa production s’inscrit dans un réseau électrique bas carbone, la corrélation géographique et temporelle avec la production électrique renouvelable demeure nécessaire, contrairement aux réseaux dont la production électrique est à plus de 90 % renouvelable. Il en irait différemment si l’hydrogène bas carbone était reconnu en tant que tel, ce que semblait souhaiter le Parlement européen en septembre 2022.
Une étape importante est donc franchie, attendue ardemment par les industriels du secteur des carburants renouvelables et de l’hydrogène en particulier. Quelques obstacles demeurent néanmoins.
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