This paper is drafted in French language. It provides thoughts on the decree relating to connection costs sharing among industrial sites and other offtakers connected to the power transmission system. Feel free to contact the firm if you need additional information or advice.
Le décret prévoyant les modalités de mutualisation des coûts de raccordement de consommateurs – notamment industriels – au réseau public de transport (RPT) d’électricité a été publié au Journal officiel du 9 juin 2024. Il s’agit du décret n° 2024-524 du 7 juin 2024 pris pour l’application des articles L. 342-2 et L. 342-18 du code de l’énergie, qui permet aussi de mutualiser les coûts de raccordement d’ouvrages du réseau public de distribution (RPD) au RPT.
Le décret fixe ainsi le cadre réglementaire prévu par ces dispositions législatives initialement codifiées à l’article L. 342-7-2 du code de l’énergie par l’article 32 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (loi « APER ») avant d’être recodifiées par l’ordonnance n° 2023-816 du 23 août 2023 relative au raccordement et à l’accès aux réseaux publics d’électricité.
Objectif : anticiper l’électrification des consommateurs industriels.
Il ressort des travaux parlementaires de la loi APER que l’objectif de la mutualisation du raccordement de consommateurs ou d’ouvrages du RPD au RPT est de « préparer le réseau aux futurs processus d’électrification des zones industrielles, qui sont attendus sans être encore programmés » (extrait du rapport n° 256 fait au nom de la Commission des affaires économiques sur le projet de loi APER, par MM. Henri Alfandari et Éric Bothorel).
Ainsi, « Ce nouveau cadre devrait favoriser à la fois l’anticipation des ouvrages de raccordement de sites industriels localisés dans de mêmes zones industrielles et la mutualisation de ces infrastructures, ainsi que de leurs coûts. Cela permettrait non seulement d’en réduire l’empreinte environnementale, mais aussi les charges à couvrir par les tarifs d’utilisation des réseaux ».
Pour une meilleure compréhension, le décret doit être lu conjointement avec l’avis rendu par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sur ce texte le 26 avril 2024.
On peut y lire que ce dispositif a été adopté sur l’impulsion de la CRE qui, dans une délibération n° 2022-260 du 20 octobre 2022, avait souligné la nécessité de « mettre en place un cadre optimal et pérenne permettant de mutualiser et de facturer les travaux de raccordement au meilleur coût financier et environnemental ».
Les jalons de ce dispositif, déposés en 2023 par le législateur dans le cadre de la loi APER, permettent ainsi au gestionnaire de réseau de transport RTE de dimensionner des travaux de raccordement au delà de ceux strictement nécessaires à l’installation de consommation concernée et ce afin d’anticiper des raccordements futurs. Une autorisation préalable de la CRE sera néanmoins nécessaire chaque fois que RTE voudra ainsi mutualiser un ensemble d’ouvrages.
Grandes lignes du dispositif de mutualisation.
Concrètement, le dispositif de mutualisation des coûts de raccordement des consommateurs et des ouvrages du RPD, au RPT, vise à éviter le blocage de projets en raison de coûts de raccordement prohibitifs, lorsque la capacité disponible sur le réseau de transport est insuffisante et que la réalisation d’ouvrages à un coût élevé est donc nécessaire.
Afin d’éviter que de telles situations ne se produisent, cela permettrait à RTE de créer des ouvrages surdimensionnés par rapport à une ou plusieurs demandes de raccordement qui lui ont été soumises, sans en faire payer le coût complet au demandeur du raccordement. Celui-ci ne paierait, en plus du coût des extensions correspondant à son raccordement et situées en aval des ouvrages mutualisés, qu’une quote-part du coût des ouvrages mutualisés, proportionnelle à la puissance de raccordement dont il bénéficie.
Une définition ad hoc de l’« extension » a été créée à l’article D. 342-2 du code de l’énergie pour refléter cette double contribution. La comparaison de cette définition avec celle d’extension classique laisse apparaître un périmètre potentiellement plus large, incluant des ouvrages mutualisés pouvant, dans certains cas, englober la création d’ouvrages dont le coût n’aurait en temps normal pas été supporté par le demandeur au raccordement.
Si cela pourrait entraîner le report de coûts, de RTE – et donc les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) payés par l’ensemble des consommateurs – vers les demandeurs de raccordements, la mutualisation devrait néanmoins satisfaire l’objectif de suppression de l’effet de palier qui serait autrement rédhibitoire pour certains raccordements.
Détails du dispositif : inspiration S3REnR et divergences.
Le dispositif rappelle la mutualisation des coûts de raccordement des producteurs dans le cadre des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (« S3REnR »). Des différences intéressantes peuvent néanmoins être relevées.
Une mutualisation locale, au cas par cas. La mutualisation du raccordement de consommateurs n’est pas généralisée contrairement aux S3REnR, mais elle est initiée par RTE ensemble d’ouvrages par ensemble d’ouvrages. Aucun schéma régional, local ou même national n’est donc prévu et le préfet de région – qui fixe l’objectif capacitaire et qui approuve la quote-part des S3REnR – n’intervient pas.
Le rôle central de la CRE. Essentiellement limité à l’approbation de la méthode de calcul des coûts prévisionnels des gestionnaires de réseaux s’agissant des S3REnR, le rôle du régulateur est ici plus important. Non seulement la CRE définit « les conditions destinées à assurer la pertinence technique et économique des investissements à réaliser » par RTE, mais elle autorise la demande de mutualisation que RTE lui soumet, elle détermine le coût de la quote-part et elle peut la plafonner.
Le décret publié diverge du projet initial qui prévoyait que l’absence de réponse de la CRE à une demande de mutualisation par RTE valait décision tacite de rejet. Suivant l’avis du régulateur, le pouvoir réglementaire a finalement décidé d’opter pour une décision tacite d’acceptation afin d’éviter un risque de retard, permettant ainsi à la CRE de se concentrer sur les demandes d’autorisation les plus importantes ainsi que sur ses nombreuses autres missions.
On peut toutefois s’interroger sur les conditions d’exercice, par la CRE, de sa compétence de détermination du coût de la quote-part. Le décret étant silencieux, on peut supposer elle déterminera ce coût dans les décisions d’autorisation des demandes de mutualisation formulées par RTE. Quid en cas de décision tacite d’acceptation ?
Il est certes probable que RTE calcule et propose le montant de la quote-part dans sa demande d’autorisation. C’est ainsi qu’il procédait jusqu’en 2019 lorsque la compétence du préfet en matière de S3REnR n’était pas limitée à l’approbation de la quote-part, mais aussi du schéma lui-même, à la différence près que la décision du préfet ne pouvait pas être tacite et que sa compétence était celle d’« approuver » et non de « déterminer » le coût.
Dès lors, soit l’absence d’autorisation expresse d’une demande de mutualisation d’un ensemble d’ouvrages pour le raccordement de consommateurs impose à la CRE, pour éviter une incompétence négative, d’adopter une décision portant uniquement sur la détermination de la quote-part, soit il faut considérer que la CRE « détermine » le coût de la quote-part lorsqu’elle accepte tacitement une demande d’autorisation de RTE contenant une proposition de quote-part.
Plafonnement de la quote-part. La faculté de plafonnement mentionnée ci-avant est novatrice : elle n’existe pas dans le dispositif des S3REnR, qui prévoit seulement une exonération du paiement de la quote-part sous un seuil de puissance. Pour la mutualisation des coûts de raccordement des consommateurs ou des ouvrages du RPD, un plafond ne peut être appliqué au paiement de la quote-part, ainsi que le synthétise la CRE, que « pour les installations se raccordant en haute tension HTB1 si les ouvrages d’extension mutualisés comprennent des ouvrages du niveau de tension le plus élevé (HTB3) ».
L’analyse de la CRE sur la raison d’être de ce plafonnement, qui n’est pas prévu par la loi, est la suivante : « du fait de la présence de gros projets dans certaines zones, les travaux mutualisés peuvent comprendre des ouvrages HTB3. Si dans ces zones des utilisateurs de moindre importance font des demandes de raccordement en HTB1, ils se verront facturer au travers de la quote-part une partie de ces ouvrages contrairement au cadre actuel de l’extension. Le plafonnement potentiel de la quote-part doit permettre ainsi d’éviter une telle augmentation des coûts de raccordement pour ces utilisateurs ».
La faculté de plafonnement bénéficiant à certains utilisateurs uniquement, elle interroge sur les catégories d’utilisateurs qui supporteront les coûts ainsi écrêtés. Il ne semble pas que les contributeurs à la quote-part qui ne sont pas plafonnés supportent ce surcoût : cela nécessiterait que la quote-part augmente au fur et à mesure du raccordement d’utilisateurs bénéficiant du plafond, or le décret ne prévoit l’évolution de la quote-part qu’en cas de modification des ouvrages ou d’évolution de ces coûts, pas en conséquence du plafonnement. Il semble donc que l’ensemble des utilisateurs des réseaux publics supportera ce coût via les TURPE.
Durée et coûts échoués. La mutualisation d’un ensemble d’ouvrages ne s’applique que pour dix ans à compter de la mise en service des ouvrages, ou pour une période inférieure si la CRE le décide. Cela soulève au demeurant à nouveau la question de l’articulation de cette compétence du régulateur avec la naissance d’une décision tacite. On peut espérer que celle-ci ne bloque pas le processus et que par défaut la mutualisation durera dix ans.
Au delà de cette période, les nouveaux demandeurs au raccordement ne paieront donc pas la quote-part des ouvrages mutualisés, quand bien même leur capacité ne serait pas atteinte. Il s’agira en quelque sorte de coûts échoués, quand bien même la capacité excédentaire serait utilisée ultérieurement, hors dispositif de mutualisation ; ces coûts seront supportés par les TURPE. Le préfinancement d’ouvrages par le TURPE dans le cadre du dispositif de mutualisation avec réalisation anticipée d’ouvrages surcapacitaires par RTE, devient ainsi un financement – partiel – de ces ouvrages par les TURPE.
La prise en charge des coûts échoués par le TURPE est un sujet récurrent, constaté par exemple pour le raccordement d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques, de parcs éoliens en mer (article L. 342-16 du code de l’énergie) ou encore les S3REnR.
Prochaines étapes.
Dans son avis sur le projet de décret, la CRE avait indiqué qu’« Après l’adoption de ce décret, la CRE consultera les acteurs puis délibèrera pour définir les règles d’encadrement du processus d’instruction des demandes d’autorisation de RTE afin de s’assurer de la pertinence technique et économique des investissements envisagés ».
Le régulateur a précisé qu’il « consultera, dans le cadre de l’établissement des règles d’encadrement du processus d’instruction des demandes d’autorisation de RTE, sur les modalités de ce plafonnement en veillant à ce que ce plafonnement ne crée pas d’effet d’aubaine ».
Enfin, s’agissant de l’application temporelle du dispositif de mutualisation, le décret prévoit que le paiement de la quote-part s’impose aux utilisateurs concluant une convention de raccordement ou une modification de convention de raccordement, dans la mesure où ces utilisateurs « bénéficient directement ou indirectement de la capacité de raccordement offerte par cet ensemble d’ouvrages », durant la période d’application de cette quote-part. La quote-part devra donc être versée par les demandeurs bénéficiant des ouvrages mutualisés et n’ayant pas encore signé de convention pour leur raccordement initial ou pour la modification de leur raccordement.
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