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Décret adaptant le régime juridique des parcs éoliens en mer et des autres EMR en ZEE

Deux procédures de mise en concurrence en cours, organisées en application de l’article L. 311-10 du code de l’énergie, portent sur des parcs éoliens en mer susceptibles d’être situés – et très certainement situés – au moins partiellement en zone économique exclusive (ZEE). Il s’agit du projet de parc éolien posé d’une puissance de 1 GW au large de la Normandie et du projet de parc éolien flottant d’une puissance de 250 MW dit « Bretagne Sud ». Le premier serait le plus puissant projet éolien en mer attribué en France ; le second serait le premier parc éolien flottant commercial en France.

La mise en concurrence est organisée sous forme de dialogue concurrentiel, afin d’affiner les conditions techniques et économiques des projets, mais également de déterminer au mieux le régime juridique qui leur est applicable, alors qu’aucun parc éolien en mer n’a encore été attribué au-delà des eaux territoriales en France.

C’est dans ce contexte qu’a été publié au Journal officiel du 1er janvier 2022 le décret n° 2021-1942 du 31 décembre 2021 modifiant le décret n° 2013-611 du 10 juillet 2013 relatif à la réglementation applicable aux îles artificielles, aux installations, aux ouvrages et à leurs installations connexes sur le plateau continental et dans la zone économique exclusive et la zone de protection écologique ainsi qu’au tracé des câbles et pipelines sous-marins.

Etudes préalables. Les études nécessaires aux travaux de parcs de production d’électricité à partir d’énergies marines renouvelables (EMR) et les ouvrages du réseau public de transport (RPT) d’électricité peuvent désormais faire l’objet d’une autorisation temporaire de moins de deux ans, sans mise en concurrence.

Le régime de ces études est donc aligné sur celui qui n’était jusqu’à présent applicable qu’aux études scientifiques et expérimentales. Cela permettra ainsi aux porteurs de projets – qui ont à ce jour tous été désignés dans le cadre de procédures de mise en concurrence préalables – d’accélérer les études dans l’attente de l’octroi de l’autorisation unique prévue par le décret du 10 juillet 2013.

Une condition est toutefois posée pour que les porteurs de projet bénéficient de cette autorisation temporaire, afin d’éviter un abus qui serait contraire au droit de l’environnement : ces études ne doivent entraîner « aucun aménagement d’îles artificielles, d’installations, d’ouvrages et leurs installations connexes sur le plateau continental ou dans la zone économique exclusive soumis à étude d’impact ».

Enfin, la réalisation d’études préalables à la pose ou à l’enlèvement de câbles – ou pipelines – sous-marins par le gestionnaire du RPT – RTE – ne se voit pas appliquer ce régime d’autorisation temporaire. Elle est en effet soumise à un simple régime de notification préalable. La réalisation d’études relatives aux câbles inter-éoliennes – situés entre chacune des éoliennes et le poste électrique en mer – est en revanche exclue du champ d’application de ce régime de notification et entre dans le régime d’autorisation précédemment évoqué.

Approbation du tracé des câbles. Le décret précise – ou plutôt clarifie – que le tracé des câbles relevant du RPT doit être agréé par le préfet maritime. Les câbles inter-éoliennes, en revanche, sont spécifiquement exclus de ce régime d’agrément du tracé des câbles ; ils font ainsi l’objet de la seule procédure administrative d’autorisation unique des ouvrages dans le cadre du même dossier que les éoliennes.

Demande d’autorisation unique. Le décret du 10 juillet 2013 avait mis en place un régime d’autorisation unique des projets situés en ZEE. La version antérieure du décret précisait que lorsque plusieurs maîtres d’ouvrage participaient à un même projet, ils devaient déposer des demandes d’autorisation distinctes simultanément ; celles-ci peuvent désormais être déposée séparément, afin que le développeur du parc et le gestionnaire du RPT ne se retardent pas mutuellement.

Par ailleurs, le décret modifié précise que l’absence de mise en concurrence préalable à l’octroi de l’autorisation unique – dérogation qui existait antérieurement – ne s’applique pas uniquement en cas d’appel d’offres, mais également en cas de dialogue concurrentiel. Ces deux procédures de mise en concurrence sont en effet prévues à l’article L. 311-10 du code de l’énergie et les projets de Normandie et Bretagne Sud font tous deux l’objet d’un dialogue concurrentiel et non d’un appel d’offres.

Enfin, si une demande d’autorisation unique concerne à la fois le domaine public maritime et la ZEE, un arrêté conjoint des préfets concernés est possible, une seule décision étant alors adoptée. Cela s’appliquerait par exemple en cas d’éoliennes situées dans les eaux territoriales et en ZEE, ou encore si le poste en mer de RTE se situe en ZEE, les câbles d’évacuation traversant dès lors le domaine public maritime.

Contenu de l’autorisation unique. Trois principaux changements peuvent être relevés, concernant l’autorisation de projets de production d’électricité à partir d’EMR.

D’abord, la liste des prescriptions figurant à l’article 12 du décret du 10 juillet 2013 n’est plus exhaustive. Cela est d’ailleurs mis en exergue s’agissant spécifiquement des EMR. Le préfet maritime dispose donc d’une plus grande discrétion pour définir le contenu de l’autorisation.

Ensuite, la garantie financière qui doit être constituée au commencement de l’activité du bénéficiaire de l’autorisation unique, n’est pas limitée aux sûretés visées au paragraphe I de l’article R. 516-2 du code de l’environnement. Il est désormais possible, de manière alternative, de constituer « une garantie autonome à première demande au sens de l’article 2321 du code civil, une consignation volontaire ou un dépôt effectué à titre de garantie auprès de la Caisse des dépôts et consignations. »

Enfin, le barème des redevances applicables aux parcs de production à partir d’EMR peut désormais être fixé par arrêté du ministre chargé de l’énergie.

Caducité de l’autorisation unique. Alors que le régime applicable aux autres bénéficiaires prévoit que l’autorisation unique devient caduque si les travaux n’ont pas débuté dans un délai de 4 ans sauf suspension ou prolongation à la suite d’un contentieux, un régime de caducité spécifique est ici mis en place.

Le cahier des charges de la procédure de mise en concurrence peut en effet fixer une période de caducité située entre 2 et 5 ans. Ce délai peut être suspendu ou prolongé dans diverses hypothèses plus large que le droit commun, selon ce qui est prévu au cahier des charges, dès lors que trois conditions soient réunies :
« 1° Qu’un événement affecte défavorablement et significativement le début de la construction ;
2° Que l’événement est hors de son contrôle et ne résulte pas d’un manquement à l’une de ses obligations au titre de l’autorisation ;
3° Qu’il a mis en œuvre tous les moyens à sa disposition ou qui auraient raisonnablement dû l’être pour prévenir la survenance et limiter les conséquences dudit événement. »

Ces conditions, qui rappellent la force majeure ou l’imprévision mais dans une acception plus souple, sont susceptibles de s’appliquer au développeur du parc de production et à RTE ; dans cette seconde hypothèse les cas de prorogation ou de suspension sont toutefois prévues dans l’autorisation et non dans le cahier des charges.

Abrogation de l’autorisation unique. De nombreux événements susceptibles de conduire à l’abrogation de l’autorisation unique ont été ajoutés, en laissant une marge d’appréciation importante au ministre chargé de l’énergie dans le cadre de l’élaboration du cahier des charges, ou au préfet maritime lors de l’adoption de l’autorisation unique.

En pratique, les hypothèses d’abrogation prévues dans l’autorisation unique devraient correspondre à celles déjà prévues dans le cahier des charges, mais des cas d’abrogation spécifiques à la violation de certaines obligations de l’autorisation par son bénéficiaire pourraient y figurer. Les porteurs de projet devront donc apporter une vigilance particulière à cette possibilité, tout en conservant cela à l’esprit lors du dialogue concurrentiel.

De même, les modalités d’indemnisation – par exemple en cas d’abrogation pour un motif d’intérêt général ou à la suite d’un fait du prince – doivent être précisées dans le cahier des charges ou l’autorisation unique, ce qui est bien entendu déterminant pour l’équilibre économique des projets.

Au final, le décret a un double effet de simplification et d’adaptation de la procédure applicable en ZEE aux parcs éoliens en mer, et de renforcement du contrôle des autorités administratives sur ces projets.

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