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Autorisation environnementale et objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre

Le juge des référés du Conseil d’Etat (10 février 2022, Société EDF Production Electrique Insulaire et ministre de la transition écologique, nos 455465 et autres) considère que lorsqu’une autorisation environnementale ne vaut pas autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité, elle ne saurait être contestée sur le fondement de la méconnaissance des objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie.

Contexte.

Ce projet de centrale thermique dite du « Larivot », d’une capacité de 120 mégawatts sur la commune de Matoury en Guyane, vise à remplacer une centrale diesel au fioul lourd mise en service en 1982 à Rémire-Montjoly. Une exploitation au fioul domestique est prévue dans le projet initial, avec une option de conversion au gaz naturel ou au biocarburant. Une centrale photovoltaïque de 4 mégawatts serait également installée sur le site.

L’autorisation environnementale impose certes la réalisation d’une étude pour l’usage du biocarburant dès la mise en service et la volonté politique par ailleurs affichée est de prescrire cet usage avant mise en service. Mais cela n’est pas reflété dans l’arrêté initial et nécessitera donc un arrêté modificatif après que les résultats de l’étude seront transmis par EDF Production Electrique Insulaire.

Les associations France Nature Environnement et Guyane Nature Environnement ont contesté l’autorisation environnementale accordée par arrêté préfectoral du 22 octobre 2020. Elles ont également demandé la suspension de l’autorisation sur le fondement de l’article L. 554-12 du code de justice administrative qui renvoie à l’article L. 123-16 code environnement.

Il s’agit d’une procédure de référé sans urgence, admise en cas de conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d’enquête, sous réserve de la démonstration d’un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. En l’espèce, les conclusions de la commission d’enquête étaient défavorables sur le projet de centrale au fioul.

Alors que le tribunal administratif de la Guyane avait suspendu l’exécution de l’autorisation environnementale par une ordonnance du 27 juillet 2021, le Conseil d’Etat annule l’ordonnance et rejette la demande de suspension présentée par les associations.

Apport de la décision du Conseil d’Etat.

Les requérantes contestaient notamment l’autorisation environnementale au regard de l’article L. 100-4 du code de l’énergie qui prévoit que « la politique énergétique nationale a pour objectifs […] 1° De réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 en divisant les émissions de gaz à effet de serre par un facteur supérieur à six entre 1990 et 2050 […] ».

L’Etat doit prendre en compte « La nature et l’origine des sources d’énergie primaire » au regard notamment de ces objectifs, lorsqu’il accorde une autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité, conformément à l’article L. 311-5 du code de l’énergie. Il en est de même lorsqu’il accorde une autorisation environnementale qui tient lieu de cette autorisation d’exploiter, ainsi que le prévoit l’article L. 181-3 du code de l’environnement.

Une autorisation environnementale peut en effet inclure une autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité au sens du code de l’énergie, ainsi que cela ressort du 10° de l’article L. 181-2 du code de l’environnement. En l’espèce, toutefois, l’autorisation d’exploiter avait été octroyée par arrêté du 13 juin 2017, avant l’adoption de l’autorisation environnementale.

C’est donc cette autorisation d’exploiter qu’il convenait de contester pour absence de prise en compte des objectifs de l’article L. 100-4 du code de l’énergie – dans sa version en vigueur en 2017 car s’agissant d’un recours pour excès de pouvoir, la légalité s’apprécie à la date d’adoption de l’acte attaqué, contrairement au recours contre l’autorisation environnementale qui est de pleine juridiction.

Le moyen est ici inopérant à l’égard de l’autorisation environnementale qui a en l’espèce un objet autre. Il aurait en revanche été examiné au fond par le Conseil d’Etat si elle avait tenu lieu d’autorisation d’exploiter au sens du code de l’énergie.

Il s’agit de la stricte application du principe d’indépendance des législations. Le juge des référés en fait d’ailleurs une autre application dans cette ordonnance en écartant un moyen tiré de la méconnaissance de règles d’urbanisme, dans la mesure où l’autorisation environnementale contestée ne tient pas lieu d’autorisation d’urbanisme.

Conséquences pour le contentieux des installations de production d’électricité.

Energies renouvelables. Les installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables sont pour la plupart réputées autorisées au sens du code de l’énergie sous un seuil de puissance prévu à l’article R. 311-2 de ce code conformément à son article L. 311-6.

Ce seuil est aujourd’hui le plus souvent de 50 mégawatts pour les énergies terrestres, mais il atteint 300 mégawatts à terre et 1 GW en mer pour les projets ayant fait l’objet de la procédure de mise en concurrence prévue aux articles L. 311-10 et suivants du code de l’énergie.

La plupart des projets d’installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables sont donc réputés autorisés. Ils n’ont pas à solliciter et à se voir accorder une autorisation d’exploiter une installation de production d’électricité.

Cela ne dispense pas les porteurs de projets de parcs éoliens terrestres de l’obtention d’une autorisation environnementale valant autorisation d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement. Celle-ci ne doit donc pas être confondue avec l’autorisation d’exploiter au sens du code de l’énergie.

Combustibles fossiles. La dispense d’obtention d’une autorisation d’exploiter est plus rare s’agissant des installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles.

Alors que leur puissance est généralement plus élevée, les seuils à partir desquels une autorisation est requise sont plus faibles. Il est de 20 MW pour le gaz naturel et de 10 MW pour les autre combustibles fossiles hors charbon, cette source d’énergie n’étant quant à elle jamais réputée autorisée.

Dans ce cas – à moins, comme pour la centrale du Larivot, qu’elle ait été accordée séparément – l’autorisation environnementale requise vaut autorisation d’exploiter, conformément au 10° de l’article L. 181-2 du code de l’environnement. Les moyens tirés de la méconnaissance des objectifs prévus à l’article L. 100-4 du code de l’énergie sont donc opérants.

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