Le cadre réglementaire applicable aux appels d’offres long terme (« AOLT ») « stockage » a été adopté (voir l’article 2 du décret du 6 mai 2022).
Le contexte.
Ces appels d’offres sont prévus depuis l’adoption de la loi du 22 août 2021 dite « Climat et résilience ».
Dans son avis du 7 avril 2022 sur le projet de décret, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a synthétisé le contexte dans lequel le dispositif des appels d’offres long terme stockage se place, ainsi que le cadre juridique existant.
Le régulateur, qui avait publié une feuille de route sur le stockage en 2019, souligne ainsi dans son récent avis les besoins de flexibilité résultant de l’accroissement de la part de production intermittente dans le mix électrique et des nouveaux usages du système électrique.
Il mentionne aussi les marchés de l’énergie accessibles au stockage : marchés de gros, mécanisme d’ajustement, services systèmes fréquences, participation aux appels d’offres et projets flexibilité des gestionnaires de réseaux.
Le dispositif.
Le cadre des AOLT stockage est construit sur le modèle des AOLT « effacements de consommation » dont la procédure est fixée par un arrêté du 31 octobre 2017. Le décret du 6 mai 2022 s’inspire fortement de ce texte.
L’initiative de la procédure revient au ministre chargé de l’énergie, qui en définit les orientations. La consultation est en revanche organisée par le gestionnaire du réseau public de transport RTE, qui élabore le cahier des charges et le transmet au ministre pour approbation et publication. RTE examine et classe les offres suivant le principe de non-discrimination, tandis que le ministre décide des suites à donner à la procédure et désigne les lauréats.
Lorsqu’ils sont concernés, les gestionnaires de réseaux de distribution sont associés à la concertation, à propos des modalités techniques de mise à disposition des flexibilités sur le système électrique
Dans le détail, l’appel d’offres peut comprendre plusieurs périodes successives, des zones géographiques déterminées, une puissance maximale, un volume d’énergie stockable ou encore un nombre d’heures de fonctionnement.
Le cahier des charges comporte notamment « La définition des caractéristiques techniques et énergétiques des capacités de stockage éligibles ainsi que le profil de stockage souhaité en distinguant, le cas échéant, les différentes catégories de stockage concernées ». Le décret n’a donc pas tranché les catégories éligibles.
Pour mémoire, l’article L. 352-1-1 du code de l’énergie – en application duquel le décret a été adopté – fait référence, sans que cela soit exhaustif, aux stations de transfert d’énergie par pompage (STEP), aux batteries et à l’hydrogène. Le stockage est néanmoins défini largement à l’article L. 352-1 comme « le report de l’utilisation finale de l’électricité à un moment postérieur à celui auquel elle a été produite, ou la conversion de l’énergie électrique en une forme d’énergie qui peut être stockée, la conservation de cette énergie et la reconversion ultérieure de celle-ci en énergie électrique ou son utilisation en tant qu’autre vecteur d’énergie ».
Les catégories d’installations éligibles devront donc se placer dans ce cadre législatif mais RTE et le ministre sont libres d’autoriser un plus ou moins grand nombre de technologies et de profils à concourir. La participation des sites hybrides, intégrant une installations de production et de stockage, demeure une inconnue.
Les lauréats retenus bénéficient de contrats conclus avec RTE, assurant une rémunération normale des capitaux immobilisés compte tenu des risques inhérents à ces activités.
Le délai de mise en œuvre.
La CRE avait initialement émis des réserves concernant les AOLT stockage, ainsi que cela ressort des travaux préparatoires du législateur. Elle considère en effet qu’il s’agit d’une activité concurrentielle trouvant une rentabilité naturelle dans les marchés existant, qui ont d’ailleurs déjà permis l’émergence de projets.
Le contexte a toutefois radicalement évolué depuis un an. Dans sa délibération du 7 avril, le régulateur a ainsi décidé « de ne pas rendre d’avis formel sur le projet de décret » car « l’organisation de ces appels d’offres telle que prévue dans la loi, et déclinée dans le projet de décret objet du présent avis, ne tient pas compte [du] contexte d’urgence » actuel. Nommément, la crise énergétique qui fait émerger « un besoin important et urgent de flexibilité pour les prochaines années » afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement.
La CRE considère donc qu’il faut :
- « évaluer dans les plus brefs délais les volumes pertinents de stockage nécessaires à l’amélioration de la sécurité d’approvisionnement pour les prochains hivers et […] mettre en œuvre très rapidement ces appels d’offres », et
- « adopter une procédure accélérée permettant de recourir au plus vite aux appels d’offres pour le stockage d’électricité ».
A ce stade, le décret publié ne peut être mis en œuvre car l’article L. 352-1-1 du code de l’énergie prévoit qu’une procédure ne peut être lancée par le ministre en charge de l’énergie que si « les capacités de stockage d’électricité ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie » (PPE) ou bien « le bilan prévisionnel pluriannuel mentionné à l’article L. 141‑8 met en évidence des besoins de flexibilité ».
Le décret du 21 avril 2020 relatif à la PPE ne vise, s’agissant du stockage dans le système électrique, que les STEP, « en vue d’un développement de 1,5 GW de capacités entre 2030 et 2035 ». Le lancement d’une procédure d’AOLT en 2022 ne saurait donc reposer sur ce fondement, à moins d’une modification de la PPE dont le processus d’adoption est lourd.
Le bilan prévisionnel 2021 de RTE ne met pas en évidence des besoins de flexibilité urgents. Il s’agit toutefois d’un bilan annuel et sa version 2022 n’a pas encore été publiée. Si le gestionnaire du réseau public de transport estime à cette occasion que des besoins urgents en flexibilité se font sentir, il l’indiquera et le ministre chargé de l’énergie pourra lancer une procédure d’AOLT stockage.
Pour aller plus loin.
Le stockage d’énergie dans le système électrique a fait l’objet d’une attention particulière ces dernières années. Au-delà de la feuille de route de la CRE sur le stockage en 2019 (les réponses à son appel à contributions sont d’ailleurs fort intéressantes), divers études et rapports ont été publiés sur le stockage, par ou à l’initiative d’institutions publiques.
On peut notamment citer :
- une étude de mai 2018 d’E-Cube, commandée par la CRE ;
- une étude du 17 juillet 2018 cofinancée par l’ADEME, l’ATEE et des acteurs du stockage, sur le potentiel du stockage d’énergie ;
- une note scientifique de février 2019 de l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ;
- un rapport de mars 2019 du conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, sur le stockage stationnaire ;
- une étude de mars 2020 de la Commission européenne, sur la contribution du stockage d’énergie à la sécurité d’approvisionnement en électricité.
Cela a contribué à l’émergence du cadre juridique du stockage, au développement des soutiens publics et à l’accès des installations de stockage aux marchés de l’énergie ainsi qu’aux réseaux publics.
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