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Aides d’Etat et obsolescence de la PPE : vers un assouplissement de la loi

Le retard pris dans la révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pourrait obérer le développement de nouvelles capacités de production. La première filière impactée est l’éolien en mer. Un projet de loi vise à assouplir le droit interne afin de permettre l’octroi d’aides d’Etat au-delà des objectifs en vigueur, comme le permet le droit de l’Union européenne.

Objectifs de développement de la production d’énergie à partir de sources renouvelables.

L’Union européenne s’est fixée des objectifs de production d’énergie à partir de sources renouvelables, rapportés à la consommation finale brute d’énergie. Ces objectifs, prévus au paragraphe 1 de l’article 3 de la Directive du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables (dite « RED II », modifiée en 2023 par la Directive dite « RED III »), sont déclinés par Etat membre en annexe. Ils doivent être transposés en droit interne.

En France, ils sont reflétés dans la PPE, qui porte sur deux périodes successives de cinq ans (donc un horizon dix ans). La PPE doit être révisée par périodes quinquennales en application de l’article L. 141-1 du code de l’énergie. Chacune de ses itérations prend toutefois du retard, notamment en raison de désaccords politiques sur le nucléaire, les énergies renouvelables ou les deux. Alors qu’elles auraient dû être adoptées avant le commencement de chaque période :

  • la PPE 2016-2018 (période triennale pour la première PPE ; horizon 2023) a été adoptée le 27 octobre 2016 après un passage provisoire par un arrêté du 24 avril 2016 portant programmation pluriannuelle des investissements (PPI, ancêtre de la PPE) ;
  • la PPE 2018-2023 (horizon 2028) a été adoptée le 21 avril 2020 ;
  • la PPE 2023-2028 (horizon 2033) n’a toujours pas été adoptée : une consultation a été lancée fin 2023 (qui devait donner lieu à une loi en lieu et place d’un décret) ; le projet de loi abandonné début 2024 peu après son dépôt, il aura fallu attendre fin 2024 pour qu’une nouvelle consultation soit lancée.

La censure du gouvernement laisse peu d’espoir quant à l’adoption prochaine de la PPE, par loi ou par décret.

On peut certes relever que la PPE n’emporte aucune obligation normative pour l’Etat « Il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire que les objectifs fixés à l’article 3 du décret arrêtant la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) mentionné à l’article L. 141-1 du code de l’énergie, relatifs à la contribution des différentes sources d’énergies renouvelables à la production d’électricité en France, et qui ne traduisent que des options hautes et basses, présenteraient un caractère contraignant à l’égard de l’Etat » (Conseil d’Etat, 6 novembre 2024, Société Eolise et Association Energies renouvelables pour tous, req. 471039).

Ces objectifs sont toutefois nécessaires pour accorder des aides d’Etat à la production d’énergie à partir de sources renouvelables.

Aides d’Etat conditionnées aux objectifs nationaux.

Les aides d’Etat à la production d’énergie prennent le plus souvent la forme de contrats de complément de rémunération ou de contrats d’achat.

S’agissant de la production à partir de sources d’énergie renouvelables, le premier paragraphe de l’article 4 de la Directive RED II prévoit : « En vue d’atteindre ou de dépasser l’objectif de l’Union établi à l’article 3, paragraphe 1, et la contribution de chaque État membre à la réalisation de cet objectif fixée au niveau national aux fins du déploiement de l’énergie produite à partir de sources renouvelables, les États membres peuvent mettre en œuvre des régimes d’aide ».

Transposant cette disposition, l’article L. 311-10 du code de l’énergie prévoit à son premier alinéa : « Lorsque les capacités de production ne répondent pas aux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie , notamment ceux concernant les techniques de production et la localisation géographique des installations, l’autorité administrative peut recourir à une procédure de mise en concurrence dont les modalités sont définies par décret en Conseil d’Etat ».

Ainsi, alors que le droit de l’Union européenne permet aux Etats membres d’allouer des aides d’Etat au-delà de ces objectifs, le droit interne limite ces aides aux objectifs nationaux en vigueur.

La France était ces dernières années en retard sur ses objectifs de développement des énergies renouvelables : ironiquement, cela limite à certains égards les effets négatifs, sur les filières, du retard pris dans la révision de la PPE. Malgré cela, cette révision pourrait être si tardive que la PPE en vigueur deviendrait un obstacle à l’octroi de nouvelles aides d’Etat. Cela est plus particulièrement criant pour l’éolien en mer qui monte en cadence mais qui nécessite une planification rigoureuse en raison de temps de développement longs.

Pour pallier cet obstacle, urgent pour l’éolien en mer et qui pourrait le devenir pour les autres filières, à défaut d’adoption prochaine d’une PPE il est possible d’assouplir le droit interne afin de le calquer sur le droit de l’UE. Cela permettrait d’octroyer des aides au-delà des objectifs en vigueur de développement des énergies renouvelables – objectifs d’ores et déjà obsolètes s’agissant du lancement de nouveaux projets de parcs éoliens en mer.

L’assouplissement porté par le projet de loi DDADUE.

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, contient huit articles consacrés au secteur de l’énergie. Déposé le 31 octobre par le Gouvernement, il est en première lecture à l’Assemblée nationale. Si l’examen en commission continuera nonobstant la censure du Gouvernement, la séance publique qui devait débuter le 9 décembre devrait être ajournée jusqu’à la désignation d’un nouveau Gouvernement.

Son article 23 prévoit de modifier l’article L. 311-10 du code de l’énergie afin de pouvoir lancer des appels d’offres ou des dialogues concurrentiels pour des projets au-delà des objectifs prévus par la PPE en vigueur : « Afin de permettre aux capacités de production d’atteindre ou, pour l’électricité produite à partir d’énergies renouvelables, d’atteindre ou de dépasser les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie, notamment ceux concernant les techniques de production, la localisation géographique des installations et leurs rythmes de développement, l’autorité administrative peut recourir à une procédure de mise en concurrence dont les modalités sont définies par décret en Conseil d’État ».

L’exposé des motifs ainsi que l’étude d’impact confirment que la filière de l’éolien en mer est dans les esprits. Ainsi, « les durées entre le début des procédures et l’attribution des parcs éoliens en mer nécessitent d’anticiper le lancement de ces procédures, pour prendre en compte des objectifs de puissance installée associés à des horizons temporels allant au-delà de la PPE en vigueur et sans attendre sa révision » (p. 275 de l’étude d’impact).

Au demeurant, il s’agit non seulement d’un sujet pour la sécurité d’approvisionnement énergétique et la décarbonation – en prenant l’hypothèse d’une électrification plus approfondie du mix énergétique français, son système électrique étant peu carboné – mais aussi d’un enjeu industriel pour la filière de l’éolien en mer, qui nécessite une vision long-terme pour que les investissements initiaux, soutenus par les premières aides d’Etat accordées à la filière, ne deviennent pas vains.

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Les autres dispositions du projet de loi DDADUE concernent la rénovation énergétique, l’obligation de solarisation, la dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées ou de leurs habitats, le REMIT (s’agissant notamment du gaz naturel liquéfié et des sanctions) ou encore la participations des installations de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables au mécanisme d’ajustement (voir mon article à ce sujet).

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